-Cœur cassé-

..Avez-vous déjà rêvé ? Rêvé d’un rêve éveillé, qui fait écran à la vie. Avez-vous ouvert et explorer toute les possibilités sans jamais vraiment les toucher. Êtes-vous rester là, à imaginer, laissant planer le doute, envisageant le meilleur sans aucune certitude.

..Je suis un rêveur. J’aime plonger dans ce monde ou le concret s’adapte à mes désirs, à mes dérives. L’univers du possible, cette drogue de l’espoir. C’est comme une bulle dans laquelle on est au chaud, loin de la réalité. Parfois, on a envie d’y plonger et d’y rester toujours, parfois on a envie d’en sortir. Ecrasante facilité que le rêve, effroyable retour au réel lorsque la bulle éclate. Aujourd’hui, ma bulle a éclaté, et la réalité a saisie l’occasion pour passer à l’attaque. Uppercut au menton et coup de genoux au foie, je me suis retrouvé à terre en moins de deux. Et bon courage pour se relever, le réveil est difficile ; gueule de bois et vertige, poids du rêve devenu mensonge. Je me suis asséné moi-même une douleur masochiste dont j’ignorais l’intensité.

..C’est le dame du rêveur, on se fait un joli film avec un happy end, on y croit dur comme fer et puis, au moment de quitter le doux nuage de la divagation, on se vautre sur le cœur. J’ai mal à mon cœur. Comment ça se répare ce truc ? Et puis comment on retourne au chaud dans la bulle ? J’ai froid.

..Une fois le rêve achevé, une fois la bulle disparue, on se rend souvent compte de la connerie du truc. Non mais vous avez déjà essayé de réaliser un rêve ? C’est un peu comme le scénar d’un film, ça dépote sur le papier jusqu’au moment ou l’allumette du budget réduit en cendre les meilleurs passages. On rêve une dimension au dessus de la réalité, là ou les impasses ça n’existe pas. Et puis on se prend le mur de l’impossible en pleine face. Le rêve est retourné, tout va de travers et ça devient un cauchemar. Mon rêve devient cauchemar. En même temps j’aurai du m’y attendre, j’aurai du le voir venir ce sournois imprévu qui relègue en un coup de tapette à mouche le plan du siècle au rang de gentille utopie. Un coup de brique dans les valseuses, un smache sur le moral, direction les baskets. En fait, l’imagination, c’est le sabre du rêveur avec lequel il se fait seppuku. Bien joué Thomas, t’as sauté à pieds joints dans une flaque de chiasse en pensant la jouer à la Jésus.

..Bon, je dis quand même un peu de la merde. Le rêve c’est important, ça aide à relativiser le monde, à le refaire lorsqu'il part trop en couille. C'est du rêve que naît le réel. Ça casse l'ennui le rêve. Enfin, tant que la bulle ne devient pas opaque. C’est comme conduire bourré sur l’autoroute de la vie, on ne remarque pas le flash, on n’entend pas les sirènes qui gueulent derrière soit et on ne se rend compte qu’on va à contresens que lorsqu’on s’encastre dans la voiture d’en face. Et il n’y a pas d’assurance pour ce genre d’accident, faut se reconstruire tout seul. On dit que certain plongeurs en apnée n’ont parfois pas envie de remonter tellement on est bien au fond. Ils atteignent un tel niveau de bien être qu’ils en oublient de retenir leur respiration et meurent noyé mais heureux.

..Noyé, je l’ai été, mais la pichenette du concret m’a ramené à la vie un peu trop brusquement. J’en suis à me dire que j’ai été bien con pour changer. J’ai rien trouvé d’autre à faire que de déblatérer là-dessus, c’est mieux que de pleurer. Je ne sais pas combien de temps va durer ma convalescence mais pour l’instant je suis KO.